Dans son numéro de février, la RVF (Revue du vin de France) aborde le sujet de la biodynamie vue par « cinq fins palais ». Un amalgame douteux est fait entre la biodynamie, l’Alsace, l’Allemagne et la doctrine nazie. Le Civa exprime son indignation.

L’article en question, paru en février dans la RVF, est titré « Ce qu’ils en disent : cinq fins palais racontent leur biodynamie ». Pierre Citerne, l’un des cinq intervenants, membre du comité de dégustation de la RVF, se livre à une analyse douteuse, dont les amalgames indignent le vignoble alsacien.

Il y est écrit, à propos donc de la biodynamie : « Je suis également gêné par cette idée de pureté. C’est très germanique cette idée de pureté. Et la biodynamie a essaimé en France à partir de l’Alsace. Puis-je être provocateur ? Si l’Allemagne nazie avait gagné la guerre, la biodynamie ne serait-elle pas plus développée aujourd’hui ? »

Historiquement, s’il est vrai que Rudolf Hess s’est intéressé à la biodynamie, l’inverse est faux. D’ailleurs, des anthroposophes – dont les idéaux sont à l’origine de la biodynamie – ont été persécutés par les nazis pour leurs idées. Et « Rudolf Steiner, le fondateur de la biodynamie, s’est opposé à la pensée nationaliste, raciste, antisémite et européenne émergente », rappelle la section Agriculture du Gotheanum à Dornach (Suisse). Quant à la question de la pureté, Rudolf Steiner a écrit en 1917 que « l’impulsion raciale est en réalité le début d’un déclin des êtres humains et de l’humanité » (Rudolf Steiner : La chute des esprits des ténèbres. Edition Triades. P. 204 et suivantes. 1995). Aujourd’hui encore le mouvement d’agriculture biodynamique réaffirme son opposition contre toutes tendances xénophobes.

La réaction du Civa

En tout état, le Conseil interprofessionnel des vins d’Alsace (Civa) s’est fendu d’une missive signée du président Didier Pettermann, adressée à Denis Saverot, le directeur de rédaction de la RVF.

« Lire que ce membre du comité de dégustation de la RVF se sent gêné par l’idée de nostalgie de la pureté, que cette idée de la pureté soit très germanique, que « justement » la biodynamie ait essaimé en France à partir de l’Alsace et qu’il ose s’interroger sur un développement probablement plus important de la biodynamie si l’Allemagne nazie avait gagné la guerre, relèvent littéralement d’une atteinte à la mémoire de l’Alsace. »

Et de continuer : « L’Alsace est certainement le territoire français qui a été le plus confronté à des guerres et des tragédies. Une terre déchirée par des conflits et des annexions qui ont profondément blessé et marqué l’âme de générations d’hommes et de femmes. La dernière guerre provoquée par l’Allemagne nazie est certainement la plus abjecte. Elle reste profondément ancrée dans nos mémoires et nous ne pouvons tolérer ces sous-entendus ignobles prêtant à l’Alsace d’être le symbole d’un étendard germanique et encore plus nazi et demandons que vous réagissiez. L’Alsace s’est de tout temps battue, relevée, reconstruite, guidée par l’espérance, la tolérance, le respect et l’exemplarité. Des valeurs que portent effectivement aujourd’hui encore les vignerons alsaciens. Grâce à ces valeurs, l’Alsace a effectivement souvent été en avance sur son temps : la bio et la biodynamie en sont un exemple. Nous sommes fiers de ce que nous sommes et aurions préféré que M. Citerne fasse cette même lecture de l’Alsace », conclue la lettre du Civa, signée du président Didier Pettermann.

David Lefebvre

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